Jusqu’au 24 novembre 2024, le Musée Cognacq-Jaÿ propose une charmante exposition sur ces objets fastueux qui participèrent aux grandes heures de l’artisanat français du XVIIIe siècle.
Le XVIIIe siècle marque un essor sans précédent dans l’histoire des arts décoratifs, le goût n’étant plus soumis à la raison royale. Les orfèvres et marchands-merciers rivalisent alors de créativité pour imaginer les objets les plus somptueux faisant appel à un large éventail de techniques.
L’entrée « Bijoux » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert témoigne de cette liberté nouvelle du goût propre à la philosophie des Lumières : « ouvrages d’Orfèvrerie qui ne servent que d’ornement à l’homme […] cette partie n’étant qu’un talent de mode & de goût, ne peut avoir aucune règle fixe, que le caprice de l’ouvrier ou du particulier qui commande. »
C’est cette rencontre entre savoir-faire d’exception, du nouveau modèle économique des marchands-merciers et d’une demande croissante de la part de la noblesse et de la bourgeoisie qui permet la prolifération et la diversité de ces objets de prestige.
À la croisée de l’histoire de l’art, de l’histoire de la mode et de l’histoire des techniques, l’exposition Luxe de Poche au Musée Cognacq-Jay propose de revenir sur ce pan méconnu des arts décoratifs du siècle des Lumières. Par une approche thématique, chaque salle s’attarde sur un aspect de moment fascinant de la société du XVIIIe siècle.
Une exposition en forme de boite – une sélection singulière
Au travers de sa sélection, le Musée Cognacq-Jay souhaite non seulement faire l’inventaire des techniques employées pour la création de ces objets, mais aussi mettre en lumière leur rôle social et économique. Ainsi, en plus, des objets proprement dits, sont présentés des pièces encadrées sur lesquelles figurent des boites similaires à celles en vitrine, que ce soit sur des portraits ou des dessins réalisés par les marchands. Ces mises en contexte bienvenues soulignent l’intégration de ces objets dans la vie quotidienne et les modes de production de l’époque.
Musée issu d’un legs, la collection d’Ernest Cognacq et Marie-Louise Jaÿ est évidemment mise à l’honneur. Ainsi, une grande partie des pièces exposées est issue de la collection du couple ce qui est une belle manière de valoriser ce patrimoine méconnu. Quelques ajouts issus des réserves du Musée des Arts Décoratifs, du Musée du Louvre et du Victoria and Albert Museum viennent compléter les vitrines de manière accessoire.
Une pièce brille néanmoins par son absence ; l’exposition toute entière était un écrin de choix pour la Tabatière du duc de Choiseul, acquisition récente du Musée du Louvre qui n’est que trop rarement exposée. Il est certes vrai que sa nature fragile, des miniatures de gouache sur vélin, rend difficile son exposition.
Luxe de poche est une exposition taiseuse, mis à part les textes en tête de chaque salle, les cartels se limitent au minimum et restent avares en détails. Des cartels de médiation, initialement prévus pour les visiteurs les plus jeunes, deviennent des supports pour tous les âges. Ainsi, des pièces sûrement moins précieuses, mais à l’histoire plus riche comme la pomme de senteur exposée en salle 3 ne font l’objet d’aucun commentaire. De fait, cette exposition reste bien plus centrée sur la beauté plastique des objets que sur leur histoire.
Une disposition malheureuse des salles
Situé dans l’hôtel Donon, le Musée Cognacq-Jay souffre parfois de la disposition de ses salles. S’il arrive que la scénographie l’utilise à son avantage, on se souvient de l’excellente exposition Boilly – Chroniques parisiennes d’une bonne fluidité, l’espace trouve ces limites dans l’exposition de pièces en volumes.
Une boîte ornée, un pistolet à parfum et autre châtelaine ont en commun d’être en trois dimensions. Il semble risible de le rappeler, mais à une exception près, il est impossible de faire le tour des objets. En effet, ils sont tous agglutinés dans des vitrines murales. Parfois, les cartels ne suivent pas et ne sont plus en face des objets décrits, le regard zigzag entre les informations. L’exposition aurait gagné à l’ajout de vitrines centrales autour desquelles le visiteur s’attarde pour tourner autour des pièces et laisser respirer certaines présentations.
Du fait des contraintes spatiales du musée et du mode d’exposition des objets, certaines salles semblent immensément vides comme la salle 3 sur les usages sociaux du bijou et d’autres à la limite du praticable comme la salle 5 sur les « sources et modèles ». Cette dernière, placée dans un couloir, dont la largeur était amputée par les vitrines, devient impraticable dès que le public stationne pour admirer les pièces exposées.
L’espace alloué à l’exposition est relativement court : les sept salles assez intimistes, habituellement allouées aux expositions temporaires, ne semblent pas suffisantes pour les envies d’exhaustivité du commissariat. En même temps, en raison de la provenance du fond principal et de la spécialité du Musée Cognacq-Jaÿ, il paraît logique que cette exposition se tienne en ces murs.
En bref,
L’exposition Luxe de poche est sans conteste une exposition adressée aux visiteurs amateurs d’art décoratif et ceux au fait de l’art du XVIIIe siècle. Toutefois, elle reste un bon panorama des styles français et européen ainsi que de l’artisanat d’art de son temps. On regrette sans doute une articulation malheureuse de certains espaces manquant de fluidité quand la fréquentation est trop importante ; pensez à y aller en semaine pour plus de confort.
Aujourd’hui, le luxe de poche existe encore sous la forme de briquets ouvragés, bagues à tabacs raffinées ou de stylo précieux. Si la question « je peux te taxer du tabac ? » sonne très contemporaine et résonne sur les terrasses de Paris, la noblesse de l’époque aurait exhibé une tabatière contenant du tabac en poudre pour en partager le contenu. Les siècles passent, mais les pratiques se ressemblent.





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